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Mai 24

Le soin des malades en Mandchourie

Le soin des malades fait partie —avec la formation du clergé indigène— des objectifs prioritaires de la société missionnaire de Bethléem (SMB) en Mandchourie. Les frères missionnaires peuvent compter à cette fin, sur l’aide bienvenue des sœurs d’Ingenbohl, arrivées dès 1927. A l’intérieur des dispensaires qu’elles tiennent et qui accueillent les malades dès sept heures du matin, on profite de prêcher la catéchèse aux patients de la salle d’attente, tandis que les sœurs consacrent leurs après-midis aux visites à domicile. À peine arrivée dans une demeure, celle-ci est prise d’assaut par tous les souffrants alentour. Cette situation évoque immédiatement dans l’esprit des sœurs, cette scène de l’évangile ou les malheureux et les infirmes de Capharnaüm accourent auprès de Jésus pour obtenir guérison, quitte à passer par un trou dans le toit (Mc 2, 1-12 / Lc 5, 17-26).

En plus de l’hôpital de Tsitsikar, que gèrent admirablement les sœurs Théobalda et Daffrosa, le supérieur de la SMB — le frère Imhof — ordonne la construction d’un second édifice de soins à Païchouan. Ce vaste projet en organisé en cinq divisions : les cliniques des femmes, des enfants, des hommes, des maladies des yeux et des maladies contagieuses. Il souhaite encore compléter ce complexe par un laboratoire, une salle d’opération, une pharmacie, une chambre de bains et de quelques chambres pouvant accueillir les convalescents.

En 1928 s’achève la construction de la clinique des femmes et de celle des enfants. Le transfert des sœurs à Païchouan ne se déroule pas sans accrocs, puisque le charretier chargé de transporter leur malles prétend avoir été attaqué par des brigands qui auraient emporté les biens des sœurs. Après deux semaines d’intrigues, les malles sont retrouvées intactes dans une auberge et enfin apportées aux sœurs Alana et Modérata, à qui est confiée la gestion de l’hôpital.

C’est un soulagement car ces malles ont toute leur importance : elles contiennent de nombreux médicaments et instruments de soins. Il faut dire que les sœurs sont de véritables professionnelles de la santé — ainsi que le souligne leur rapport de formation :

« Nos missionnaires sont des infirmières diplômées qui, toutes, ont exercé leurs fonctions, comme aides dans les opérations, surveillantes de salle, etc. dans les hôpitaux de Suisse ou de l’Étranger. Les mois qui précèdent leur départ, elles les consacrent à acquérir les connaissances spéciales nécessaires dans la mission : étude du français, de l’anglais, initiation à l’art du dentiste, à la clinique ophtalmique, etc. Dans les pharmacies de nos cliniques et hôpitaux, elles ont l’occasion de développer leurs connaissances pharmaceutiques. On a soin surtout de leur faire apprendre à connaître à fond les herbes médicinales. Dans bien des cas, en effet, ces herbes seront en mission, les seuls remèdes à leur disposition. Le Chinois d’ailleurs, si habitué au thé, accepte avec moins de défiance une herbe médicinale que les autres médicaments inventés par les Européens. — A leur départ, les Sœurs missionnaires sont munies, elles aussi, de pharmacies portatives, d’instruments chirurgicaux, de médicaments, d’objets de pansement et surtout d’une provision variée et assortie de plantes médicinales. »

Leur engagement comporte aussi une forte dimension préventive et éducative. En effet, en plus de guérir et rassurer les familles, les sœurs attachent beaucoup d’importance à enseigner aux indigènes les précautions d’hygiène de base ainsi que quelques mesures prophylactiques… Menée à bien, leur mission obtient de nombreuses conversions, en plus des baptêmes demandés in extremis, et attire prestige et charité sur la religion catholique. Un frère de la société missionnaire de Bethléem, souligne à leur sujet :

La maison des Sœurs se nomme « Fen-Tse-Tang » — « Maison de la Miséricorde », et ce nom est bien porté. La bonté des Sœurs, leur air à la fois avenant et humble font sur les Chinois une profonde impression. Je les ai mainte fois entendu exprimer leur pensée à ce sujet. On trouve aussi beau leur costume. Par l’exercice de la charité, elles nous frayent le chemin des âmes. Chaque jour, elles sont appelées auprès des malades, et souvent il en est résulté des demandes d’entrée dans la religion catholique. »

 

La plupart des difficultés auxquelles doivent faire face les sœurs sont d’ordre matérielles : les médicaments sont chers et il leur faut aussi payer le salaire des aides. Les sœurs admirent le courage des chinois qui supportent héroïquement d’atroces douleurs. Cependant, de vieilles superstitions païennes sont encore très présentes : à chaque décès déploré dans un établissement, c’est tous les patients qu’il faut rassurer et dissuader de partir.

Dans ce contexte, le soutien des laïcs est plus que le bienvenu, que celui-ci consiste en des prières ou des dons. Il est notamment intéressant de relever les relations fécondes entre la cause missionnaire et la cause universitaire. La formation universitaire, tout particulièrement les connaissances médicales, est un facteur important du succès des entreprises d’évangélisation, tandis qu’en retour, les missions fournissent des matériaux scientifiques nouveaux, qui contribuent au progrès de différentes disciplines. Le fondateur de l’université de Fribourg — M. Georges Python — adhère totalement à ce discours. Ainsi dès 1926, à l’initiative de son directeur R.P. Prümmer, l’université de Fribourg propose un cours de médecine pratique à l’usage des futurs missionnaires.

Ainsi les missionnaires de la société de Bethléem ont l’occasion de se former auprès des spécialistes de l’époque : le Dr.Marchon leur enseigne la médecine tropicale ; le Dr.Teyer les instruit sur les méthodes de diagnostique et les premiers soins des maladies organiques ; le Dr.Perrier les inities à la physiologie et l’hygiène médicale, enfin le Dr.Clément leur inculque quelques connaissances de chirurgie pratique.

Benoît Dénervaud