Trois défauts des pharisiens 𝒗𝒆𝒓𝒔𝒖𝒔 trois valeurs des disciples véritables | Père Ludovic Nobel, supérieur général des Missionnaires de Bethléem

Lectures du dimanche 05 novembre 2023

«Vous vous êtes écartés de la route, vous avez fait de la Loi une occasion de chute» (Ml 1, 14b – 2, 2b.8-10)

La page d’Évangile que l’Église nous propose à lire ce dimanche fait partie des polémiques violentes que Jésus a eues avec les scribes et les pharisiens de Jérusalem. Ces paroles très dures peuvent nous choquer. Jésus ne s’est-il pas présenté comme «𝑙𝑒 𝑐œ𝑢𝑟 𝑑𝑜𝑢𝑥 𝑒𝑡 ℎ𝑢𝑚𝑏𝑙𝑒» ?

Si Jésus explose ainsi, c’est parce que le pharisaïsme est l’obstacle le plus redoutable pour la religion. N’oublions pas, en particulier, que c’est l’attitude pharisienne qui a été la cause de la mort de Jésus : ce sont les plus hautes autorités de Jérusalem qui l’ont refusé et condamné.

Mais il ne servirait à rien de s’en tenir à juger les scribes et les pharisiens de cette époque. Ces invectives de Jésus nous concernent tous, aujourd’hui. Nous sommes tous, effectivement, tentés par les trois défauts des pharisiens et, en positif, invités à vivre les trois valeurs essentielles des disciples véritables.

Il n’y a pas pire pharisaïsme que celui qui consiste à appliquer aux autres les condamnations que nous entendons ici. Il est trop facile de condamner, par exemple, les prédicateurs qui chargent les épaules des gens, les hommes d’Église qui « 𝑎𝑔𝑖𝑠𝑠𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑠𝑒 𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑟𝑒𝑚𝑎𝑟𝑞𝑢𝑒𝑟 », etc.

Essayons, loyalement, de voir notre pharisaïsme personnel :

Dire et ne pas faire

Non, il n’est pas nécessaire d’aller regarder chez les autres pour découvrir cela, n’est-ce pas ? Qui d’entre nous peut prétendre à une totale cohérence entre son idéal et sa conduite réelle ? Quelle est la distance entre ce que nous disons et ce que nous vivons effectivement… entre nos principes et nos actes ?

Vouloir dominer

Il n’y a pas que les scribes de cette époque-là à faire preuve d’autoritarisme, à enseigner «dans la chaire de Moïse». Combien de fois sommes-nous absolument sûrs de détenir la vérité, d’avoir raison, d’imposer nos points de vue… Ne tombons-nous jamais dans le travers d’être des redresseurs de torts, des autres évidemment ?

Se faire remarquer

La recherche des premières places, la vanité vestimentaire, ne sont pas seulement des défauts des notables de Jérusalem. Qui de nous ne se laisse pas aller à ces ridicules vanités, à la course aux honneurs, à la recherche des privilèges ? Certes, il n’est plus question «de phylactères et de franges très longues»… mais peut-être du choix de la marque de voiture, du standing des styles de vacances, du «look», du désir d’apparaître le plus avantageux possible.

Chacun de nous a sa manière propre de tomber dans ces travers pharisiens. Jésus, bien sûr, ne se contente pas de mettre en garde, il indique aussi des attitudes positives qu’il souhaite nous voir adopter pour éviter les défauts ci-dessus.

Fraternité

À commencer par la véritable fraternité : « 𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑒̂𝑡𝑒𝑠 𝑡𝑜𝑢𝑠 𝑓𝑟𝑒̀𝑟𝑒𝑠 ». Voici une invitation révolutionnaire, un principe d’égalité radicale, un appel concret à vivre selon un certain style de vie. Au lieu de nous draper dans nos différences et dans nos titres ronflants, regardons chacun comme notre égal et aimons-le comme un frère.

Simplicité

Ensuite, la simplicité : «𝑁𝑒 𝑑𝑜𝑛𝑛𝑒𝑧 𝑎̀ 𝑝𝑒𝑟𝑠𝑜𝑛𝑛𝑒 𝑠𝑢𝑟 𝑡𝑒𝑟𝑟𝑒 𝑙𝑒 𝑡𝑖𝑡𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑃𝑒̀𝑟𝑒, 𝑐𝑎𝑟 𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑛’𝑎𝑣𝑒𝑧 𝑞𝑢’𝑢𝑛 𝑠𝑒𝑢𝑙 𝑃𝑒̀𝑟𝑒, 𝑐𝑒𝑙𝑢𝑖 𝑞𝑢𝑖 𝑒𝑠𝑡 𝑎𝑢𝑥 𝑐𝑖𝑒𝑢𝑥». L’exigence de simplicité s’enracine dans la conviction que Dieu seul mérite nos hommages, car Lui seul est vraiment au-dessus de tout. «𝑃𝑎𝑟𝑚𝑖 𝑙𝑒𝑠 𝑒𝑛𝑠𝑒𝑖𝑔𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑑𝑢 𝐶ℎ𝑟𝑖𝑠𝑡, 𝑑𝑖𝑡 𝑠𝑎𝑖𝑛𝑡 𝐵𝑒𝑟𝑛𝑎𝑟𝑑, 𝑙𝑒 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑔𝑟𝑎𝑛𝑑 𝑒𝑠𝑡 𝑙’ℎ𝑢𝑚𝑖𝑙𝑖𝑡𝑒́». Et saint François Xavier ajoute : «𝑆𝑢𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑎𝑠 𝑑𝑒 𝐽𝑒́𝑠𝑢𝑠-𝐶ℎ𝑟𝑖𝑠𝑡, 𝑜𝑛 𝑛𝑒 𝑚𝑜𝑛𝑡𝑒 𝑞𝑢’𝑒𝑛 𝑑𝑒𝑠𝑐𝑒𝑛𝑑𝑎𝑛𝑡», c’est-à-dire en se faisant humble.

Service

Enfin, le service : «𝐿𝑒 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑔𝑟𝑎𝑛𝑑 𝑝𝑎𝑟𝑚𝑖 𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑠𝑒𝑟𝑎 𝑣𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑠𝑒𝑟𝑣𝑖𝑡𝑒𝑢𝑟. 𝑄𝑢𝑖 𝑠’𝑎𝑏𝑎𝑖𝑠𝑠𝑒𝑟𝑎 𝑠𝑒𝑟𝑎 𝑒́𝑙𝑒𝑣𝑒́». Ce sens du service, selon Jésus, n’est pas du tout aliénant ni humiliant. C’est être grand que d’être serviteur. Non, le service des autres n’est pas la négation de la personnalité, car personne n’est plus actif ni plus heureux que celui qui sait aimer concrètement ses frères.

Si nous voulons être honnêtes avec nous-mêmes, demandons-nous vraiment ce que Jésus nous dirait, à nous, aujourd’hui… ce qu’il attend de nous. Et puisqu’il est présent parmi nous, demandons-lui de nous aider à marcher avec joie et détermination dans la voie qu’il nous a tracée. Amen.

Ml 1, 14b – 2, 2b.8-10 / 1 Th 2, 7b-9.13 / Mt 23, 1-12