CHAQUE JOUR LA PAROLE DE DIEU
Fév 10

Le baptême du Christ au Jourdain

C’est au bord du Jourdain que, selon les évangiles débute la vie publique de Jésus. Il y reçut le baptême de conversion donné par Jean-Baptiste (Mc 1, 9-11). L’évangile de Jean précise que la rencontre en Jésus et le Baptiste eut lieu à Béthanie de Transjordanie, en Jordanie actuelle (Jn 1, 28). Jean-Baptiste, le fils d’Elisabeth et de Zacharie, s’était retiré dans le désert de Judée et annonçait la venue des temps nouveaux de Dieu. Dans ce sens, il pratiquait un baptême basé sur le pardon des péchés et la conversion à une vie nouvelle. Persuadé lui aussi que les temps étaient accomplis, Jésus reçut le baptême de Jean dans cette perspective. Pour les évangélistes, ce baptême est la présentation officielle de Jésus comme le Messie, le Fils de Dieu. La voix du ciel déclarant «Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie.» (Lc 3, 22 ; Mc 1, 11 ; Mt 3, 17) nous renvoyant à la cérémonie d’investiture royale où le roi endosse sa responsabilité de fils de Dieu.

Il convient de relever que le baptême tel que pratiqué par Jean constituait une déviance par rapport au judaïsme officiel, qui s’il pratiquait aussi le rite du baptême, le consignait à un seul rite d’initiation réservé aux prosélytes qui se convertissaient. A l’époque du ministère de Jésus, les mouvements baptistes administrant le baptême à des Juifs de naissance se multipliaient, car ils considéraient leurs coreligionnaires tout aussi impurs que les païens. Pour le judaïsme officiel, cette pratique constituait une grave déviance, car seul le Grand-prêtre au jour du grand pardon (kippur) pouvait remettre les péchés. Le mouvement baptiste se voulait donc contestataire de la religion officielle. Ce rite qui ne pouvait être célébré qu’une seule fois, était lié à l’espérance eschatologique qui invitait à se tenir prêt et vigilant dans l’attente du Messie. C’est lui, qui à sa venue viendrait le sceller par le don de l’Esprit.

Il semble que Jean le Baptiste rencontra le succès auprès des foules, des pauvres, des petits et de tous ceux qui étaient considérés comme impurs par la Loi. Les pharisiens et les sadducéens durent en revanche considérer cette pratique comme un grave écart par rapport à la Loi et une contestation de la fonction du Grand-prêtre.

Ainsi, inaugurant de la sorte son ministère, Jésus s’inscrit dans la lignée d’un mouvement contestataire. Il affirme que ce n’est pas par une liturgie officielle pratiquée au Temple que l’on devient pur de tout péché, mais par un geste prophétique qui inaugure la conversion définitive.

L’évangile de Jean laisse quant à lui entendre que Jésus lui-même baptisa (Jn 3, 22) tant et si bien qu’il connut bientôt plus de succès que Jean (Jn 4,1). Ce ministère de baptiste de Jésus est inconnu des synoptiques et le quatrième évangile lui-même témoigne une certaine gêne à ce sujet, puisque sitôt après l’avoir affirmé, il se rétracte en précisant que c’étaient les disciples de Jésus qui baptisaient (Jn 4, 2). Nous sommes amenés à penser que Jésus baptisa bel et bien dans la mouvance des courants baptistes. Les premières générations chrétiennes eurent sans doute quelques difficultés avec cette activité qui semblait désigner Jésus comme disciple du Baptiste, alors que les évangiles le présentent comme supérieur à celui qu’ils nomment le précurseur. C’est sans doute pour cette raison que les auteurs du Nouveau Testament, à l’exception de Jean, demeurent silencieux sur cette activité de Jésus.

Le Jourdain dans lequel Jésus reçoit, selon toute vraisemblance, le baptême est le fleuve biblique par excellence. C’est par sa traversée que se fit l’entrée en Terre promise (Jos 3, 9-17), c’est sur ses rives que vécut le prophète Elisée (2 R 2, 11), c’est aussi ses eaux qui purifièrent Naaman le Syrien de sa lèpre (2 R 5, 1-19). De l’hébreu Yarden, son nom signifie “celui qui descend”. C’est au Liban dans les hauteurs du mont Hermon, dont le sommet culmine à 2814 mètres d’altitude, que le Jourdain prend naissance. Parcourant vingt et un kilomètres sur le territoire libanais sous le nom de Hasbani, il rejoint ensuite les rivières Banias et Dan, originaires respectivement de Syrie et d’Israël. La confluence de ces trois rivières forme le Jourdain à proprement parler.

Petit fleuve capricieux et sinueux, il traverse le pays d’Israël du nord au sud, passant à travers le lac de Tibériade (-210 mètres) puis s’écoulant vers la Mer morte située à 410 mètres en-dessous du niveau de la mer où il se perd et s’évapore. Le Jourdain est ainsi la rivière la plus basse du monde puisque, sur la plus grande partie de son cours, il coule au-dessous du niveau de la mer. La partie située entre le lac de Tibériade et la Mer morte, appelée bas Jourdain, constitue aujourd’hui un fleuve frontière entre l’État d’Israël et la Jordanie.

Père Ludovic Nobel