CHAQUE JOUR LA PAROLE DE DIEU
Juil 27

La Mission : une écoute mutuelle (suite et fin)

La première partie de cet article a décrit la 1ère mission de nos confrères en Manchourie, puis les débuts d’un nouvel engagement en Colombie à partir de 1953. Avec le Concile Vat. II et les chapitres régionaux SMB, le sens de la mission a quelque peu changé et l’appel à des forces laïques voit le jour. Regardons cela plus en détail.

Réunis à Medellin en 1968, le CELAM (conf. des évêques latino-américains) fait une analyse approfondie de la situation et constate que la majorité de la population vit une situation socio-culturelle de dépendance qui représente une sorte de “péché structurel”. Sa frustration crie vers le ciel avec les conséquences suivantes : absence de paix, violence institutionnelle, exploitation du prochain… Cette nouvelle vision est aussi partagée par la Société missionnaire de Bethléem (SMB).

La société, en Amérique latine, subit des changements importants à cette époque : exode rural massif, soif d’une vie meilleure, influence des nouveaux moyens de communication sociale. D’autre part, au niveau ecclésial, on se rend compte que la Bonne Nouvelle est proclamée de longue date. Ainsi, les gens sont chrétiens de fait, mais peu évangélisés. S’ensuit un manque de maturité et de la difficulté à former une vraie communauté. Il faut aussi reconnaître que jusqu’ici se pratiquait une pastorale plutôt paternaliste. L’institution ecclésiale était aussi trop en collusion avec les autorités civiles et militaires.

Du côté de la SMB, lors de la visite du Supérieur général en 1968, tous ces thèmes furent débattus ; mais les opinions divergeaient fortement entre les anciens missionnaires et les confrères plus jeunes et fraîchement débarqués. Cependant, une constatation a fait l’unanimité : rester en Colombie, non pas pour une 1ère évangélisation, mais comme soutien à une Église locale dans le besoin comme l’indiquent nos Constitutions. Autre question débattue : faut-il rester confinés dans une même région ou se décentraliser ? Décision est prise de s’établir comme jusqu’ici dans les endroits reculés et délaissés, aussi bien que dans la périphérie urbaine (Cali et Bogotá).

Autre sujet de discussion : bâtir une maison régionale ou non ? Arguments contre : le bon accueil des sœurs franciscaines et le coût d’une telle entreprise. Pour : propre lieu de rencontre, locaux administratifs. Il faut aussi dire qu’entre temps, nombreux sont les collaborateurs et collaboratrices venus, par motivation chrétienne, pour œuvrer surtout au niveau de l’aide au développement en écho à la pastorale en renouveau, dans la ligne du chapitre général de 1974.

Concernant la qualité de la pastorale, des paroisses furent choisies en vertu des demandes des évêques locaux. Ceux-ci n’ont parfois accepté la collaboration des laïcs que pour obtenir la venue de prêtres missionnaires. Il faut dire aussi que pour éviter un néo-colonialisme, il fallait se mettre en tête que le volontaire étranger reçoit plus qu’il ne donne. La réponse à la demande des évêques ainsi que combler les carences de l’Église locale nous a poussés à envoyer confrères et volontaires laïcs également au Pérou, en Bolivie, ainsi qu’en Équateur.

Il fut aussi reconnu que l’Église n’est pas un but en soi, mais bien plutôt le chemin privilégié pour qu’advienne le Règne de Dieu. Pour ce faire, une Église locale faible a besoin de l’aide d’une autre Église locale plus forte. Mais l’expérience a montré qu’il n’était pas toujours facile de faire collaborer prêtres et laïcs dans une même équipe. Avec le temps, on s’est rendu compte que le renforcement institutionnel prenait de plus en plus d’importance en vue de passer la main aux forces locales. Dans ce contexte, une équipe mobile a bien fonctionné dans plusieurs diocèses et dont l’efficacité fut reconnue.

Une évaluation de cette forme de mission a démontré que là où la vie, la justice et la paix sont piétinées, il faut collaborer avec les forces de changement : des exigences non négociables ; là où l’Église (institution) s’allie avec les plus forts, il est nécessaire de s’engager pour créer des conditions afin que cette Église retrouve sa vraie mission dans le monde. Il s’agit donc de rendre l’Église locale capable de développer une mission ‘intégrale’, que les ‘ouvriers’ soient locaux ou étrangers.

Disons en conclusion que l’engagement personnel est perçu comme plus efficace que de bonnes paroles. Être véritable témoin permet le don de la vie «en abondance» (cf. Jn 10,10) promise par Jésus Christ.

Père Georges Conus