Il est des instants où la Parole nous ouvre une fenêtre sur l’intimité même de Jésus. Des moments où, soudain, son cœur se met à chanter, porté par l’Esprit, comme si la joie divine débordait en lui. Aujourd’hui, l’Évangile nous donne accès à l’un de ces moments rares : un Magnificat du Christ, une exultation pure, un élan de reconnaissance qui éclaire notre Avent. Ce n’est pas un discours, c’est un souffle. Ce n’est pas une leçon, c’est un dévoilement. Et il nous apprend que la joie de Dieu naît toujours dans l’humble, dans le petit, dans ce qui semblait stérile.
La première lecture nous plonge dans ce paysage familier d’Isaïe où tout semble mort, brisé, coupé… et où pourtant quelque chose recommence. Une souche sèche, abandonnée, qui laisse jaillir un rameau. Une racine qui, contre toute attente, recommence à donner vie. Au moment même où Israël se sait menacé, affaibli, encerclé par des forces immenses, Isaïe ose annoncer un avenir que rien ne laisse deviner : un Roi-Messie surgira de cette fragilité. Et pour dire cette espérance, il déploie des images folles, presque impossibles : le loup qui habite avec l’agneau, l’ours avec la vache, le lion qui mange du fourrage, l’enfant qui joue près du cobra. Ce n’est pas naïf. Ce n’est pas irréaliste. C’est la vision d’un monde où la violence s’éteint, où les rivalités s’apaisent, où la paix devient la seule respiration. Isaïe invite son peuple à croire qu’au cœur même de ce qui semble perdu, Dieu prépare un commencement.
Et voilà que l’Évangile nous montre ce commencement en train de naître. Jésus exulte. Il ne parle pas en maître, ni en juge, mais en Fils émerveillé. Sa joie jaillit lorsqu’il contemple l’œuvre du Père : ce que les sages et les savants n’ont pas su reconnaître, les petits, eux, l’accueillent avec simplicité. Jésus découvre la manière dont Dieu agit : discrètement, humblement, en éclairant des cœurs pauvres. Et cette joie est si grande qu’il la partage avec ses disciples : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez. » Il dit cela comme on confie un secret. Comme si, en les regardant, il reconnaissait qu’ils sont témoins de l’accomplissement de tout ce qu’Isaïe a annoncé. Le rameau a poussé. La paix commence à germer. Le Royaume n’est plus une promesse lointaine : il se déroule, sous leurs yeux.
Dans notre spiritualité de Bethléem, ces textes prennent une couleur particulière. Car Bethléem dit exactement cela : Dieu n’apparaît pas dans le grandiose, mais dans la fragilité. Il ne se manifeste pas comme un roi de puissance, mais comme un enfant couché dans la paille. Il ne vient pas éblouir, mais toucher en douceur. La crèche est le lieu où le Magnificat de Jésus commence à prendre chair. Le lieu où Dieu se donne entièrement dans un visage minuscule, offert à tous. Le lieu où l’on comprend que seuls les petits savent accueillir le très grand.
Et alors, quelque chose se dessine pour nous, aujourd’hui : laisser Dieu raviver une espérance là où nous ne voyions qu’une souche. Consentir à reconnaître sa présence dans les gestes simples, dans les moments discrets, dans les lieux où rien ne semblait prometteur. Accueillir la paix qu’il fait naître dans ce qui, hier encore, était un territoire de rivalités. Entrer dans ce chant du Fils, ce chant doux et lumineux qui dit que Dieu révèle toujours ses merveilles aux humbles.
Le Magnificat de Jésus n’est pas un souvenir : c’est une invitation. Une manière d’entrer dans l’Avent avec un cœur plus ouvert, plus disponible, plus attentif aux signes minuscules où Dieu travaille. Une manière de laisser l’Esprit nous apprendre, comme au Christ, à reconnaître l’œuvre du Père dans ce qui commence à peine à germer.
Prière du jour
Seigneur Jésus,
Toi dont la joie révèle la tendresse du Père,
dépose en nous cette lumière douce qui ouvre les yeux.Délivre nos cœurs de ce qui les alourdit,
de ce qui les rend aveugles,
de ce qui les éloigne de l’humilité.Enfant de Bethléem,
toi le rameau fragile où Dieu a fait fleurir la paix,
viens réveiller en nous l’espérance,
fais refleurir ce qui semblait mort,
et donne-nous un regard de tout-petits.Que notre cœur devienne un lieu où ton Magnificat peut naître,
un lieu où ton Esprit chante,
un lieu où ton Royaume prend racine.
Amen.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
À l’heure même, Jésus exulta de joie
sous l’action de l’Esprit Saint,
et il dit :
« Père, Seigneur du ciel et de la terre,
je proclame ta louange :
ce que tu as caché aux sages et aux savants,
tu l’as révélé aux tout-petits.
Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance.
Tout m’a été remis par mon Père.
Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ;
et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils
et celui à qui le Fils veut le révéler. »
Puis il se tourna vers ses disciples
et leur dit en particulier :
« Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez !
Car, je vous le déclare :
beaucoup de prophètes et de rois
ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez,
et ne l’ont pas vu,
entendre ce que vous entendez,
et ne l’ont pas entendu. »
Pour lire les lectures du jour, consultez AELF – 2 décembre 2025.
Références bibliques
- Is 11, 1-10
- Lc 10, 21-24






























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