Il y a dans l’Avent une invitation silencieuse, presque pressante : celle d’apprendre à voir. Voir autrement. Voir plus profond. Voir plus vrai. Comme si Dieu, chaque jour, se penchait vers nous pour murmurer : « Laisse-moi ouvrir les yeux de ton cœur. » Et l’Évangile du jour raconte justement l’histoire de deux hommes qui n’avaient plus que cette prière pour exister : « Prends pitié de nous, Fils de David ! » Une prière qui traverse les siècles et rejoint notre propre cécité intérieure.
Dans la première lecture, Isaïe ose annoncer un renversement total : « Les aveugles verront, sortant de l’obscurité. » (Is 29,18) Il parle à un peuple désorienté, abîmé par ses fautes, entouré de menaces. Et pourtant, il décrit un avenir lumineux : un temps où les yeux s’ouvriront, où la honte s’effacera, où le cœur retrouvera la capacité de reconnaître l’œuvre de Dieu. Isaïe ne nie rien des ténèbres… mais il annonce la lumière qui se fraie déjà un chemin à travers elles. C’est un message profondément adventuel : Dieu prépare une clarté que nous ne voyons pas encore.
Lorsque l’Évangile nous présente ces deux aveugles qui crient vers Jésus, tout devient concret. Ils ne voient rien de lui, mais ils le reconnaissent mieux que ceux qui le regardent chaque jour. Ils l’appellent « Fils de David », autrement dit : ils discernent en lui le Messie promis. Le miracle n’est pas d’abord la guérison des yeux : c’est la foi qui traverse l’obscurité. Jésus leur pose une seule question : « Croyez-vous que je peux faire cela ? » Et leur réponse simple, nue, fragile – « Oui, Seigneur » – ouvre tout. Alors leurs yeux s’ouvrent. Mais surtout, leur cœur se met à voir.
Car ce récit ne parle pas seulement de cécité physique. Il parle de notre cécité. Nous aussi, il nous arrive de voir flou :
– flou sur ce que Dieu fait encore dans notre monde,
– flou sur ses merveilles dans nos vies,
– flou sur la beauté de l’Église malgré ses blessures,
– flou sur notre propre vocation à la lumière.
Parfois, ce n’est pas que nous ne voyons pas… c’est que nous ne voulons plus voir. Par fatigue. Par déception. Par peur. Cette cécité du cœur nous atteint tous un jour ou l’autre. Et pourtant, l’Évangile laisse percer une immense espérance : la lumière de Dieu est plus tenace que nos obscurités. Avec douceur mais détermination, Jésus rejoint nos zones d’ombre et murmure : « Crois-tu que je peux ouvrir tes yeux ? »
Dans la spiritualité de l’Enfant de Bethléem, cette question prend une couleur encore plus tendre. La crèche, c’est le lieu où Dieu choisit d’ouvrir les yeux du monde… par la lumière minuscule d’un enfant. Rien d’éblouissant, rien d’écrasant : juste une clarté qui naît dans la pauvreté, dans la petitesse, dans la vulnérabilité. Voir comme Dieu voit demande de devenir petit. Accueillir sa lumière demande de se laisser toucher là où nous pensions être perdus.
Alors oui, en ce jour, il y a une prière simple à laisser monter de nos cœurs : « Fils de David, aie pitié de nous ! Ouvre nos yeux. » Ouvre-les sur ta présence qui travaille dans le silence. Ouvre-les sur les signes minuscules de ton Royaume. Ouvre-les sur la beauté encore cachée de ton Église. Ouvre-les sur les merveilles que tu accomplis malgré tout.
L’Avent n’est pas seulement un temps d’attente : c’est un temps où Dieu réapprend à notre cœur comment voir.
Prière du jour
Seigneur Jésus,
Toi qui passes sur nos routes comme une lumière discrète,
ouvre les yeux de notre cœur.Délivre-nous de ce qui obscurcit notre regard,
de ce qui nous enferme dans la peur,
de ce qui nous empêche de reconnaître tes merveilles.Enfant de Bethléem,
toi dont la douceur éclaire nos nuits,
viens guérir notre regard blessé.
Rends-nous attentifs, émerveillés, confiants.Fais de nous un peuple qui voit plus loin que l’obscurité,
un peuple qui avance vers la lumière.Amen.
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
« Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !”
qu’on entrera dans le royaume des Cieux,
mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux.
Ainsi, celui qui entend les paroles que je dis là
et les met en pratique
est comparable à un homme prévoyant
qui a construit sa maison sur le roc.
La pluie est tombée, les torrents ont dévalé,
les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ;
la maison ne s’est pas écroulée,
car elle était fondée sur le roc.
Et celui qui entend de moi ces paroles
sans les mettre en pratique
est comparable à un homme insensé
qui a construit sa maison sur le sable.
La pluie est tombée, les torrents ont dévalé,
les vents ont soufflé, ils sont venus battre cette maison ;
la maison s’est écroulée,
et son écroulement a été complet. »
Pour lire les lectures du jour, consultez AELF – 5 décembre 2025.
Références bibliques
- Is 29, 17-24
- Mt 9, 27-31
Pour méditer
- Quels sont aujourd’hui les lieux où notre regard s’est fermé ?
- Quelles lumières Dieu fait-il déjà naître en nous sans que nous les voyions encore ?
- Osons-nous dire avec simplicité : « Ouvre mes yeux, Seigneur » ?





























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