À deux jours de Noël, la liturgie nous tourne encore vers Jean-Baptiste, celui qui prépare les chemins du Seigneur. Avant même la naissance de Jésus, Dieu annonce déjà la nouveauté radicale de son salut par un enfant et par un nom. Dans ce temps ultime de l’Avent, la Parole de Dieu nous invite à reconnaître que le temps de la grâce est déjà là.
La première lecture, tirée du prophète Malachie, annonce l’envoi d’un messager chargé de préparer la venue du Seigneur : « Voici que j’envoie mon messager pour préparer le chemin devant moi » (Ml 3,1). Ce messager n’est pas d’abord un homme de puissance ou de rupture violente. Il est celui qui prépare, qui purifie, qui appelle à la conversion des cœurs. Plus loin, le prophète précise encore sa mission : « Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils » (Ml 3,24).
La préparation du salut passe donc par une restauration intérieure, une réconciliation, une conversion douce mais radicale. Avant que Dieu ne vienne demeurer parmi les hommes, il faut que les cœurs s’ouvrent.
L’Évangile selon saint Luc nous présente la naissance de Jean-Baptiste comme un événement chargé de sens. Élisabeth met au monde un fils, et tous reconnaissent que « le Seigneur lui a montré la grandeur de sa miséricorde » (Lc 1,58). La joie est communautaire, partagée. Mais très vite, une question surgit : celle du nom. Selon la tradition, l’enfant aurait dû s’appeler Zacharie, comme son père, premier-né d’une lignée sacerdotale. Or Élisabeth affirme avec autorité : « Non, il s’appellera Jean » (Lc 1,60). Ce nom n’est pas un choix affectif ou original : il est révélé par Dieu lui-même. Jean signifie « Dieu fait grâce ».
Zacharie confirme ce choix en l’écrivant sur une tablette : « Jean est son nom » (Lc 1,63). À cet instant précis, sa bouche s’ouvre, sa langue se délie, et il bénit Dieu. Le silence de Zacharie prend fin au moment où il consent pleinement à la nouveauté de Dieu. Tant qu’il résistait intérieurement, la parole était empêchée. Lorsque la grâce est accueillie, la louange jaillit.
Ce détail est essentiel : Dieu ne supprime pas l’histoire passée, mais il l’accomplit en la transformant. Zacharie signifie « Dieu se souvient » — mémoire fidèle de l’Alliance ancienne. Jean signifie « Dieu fait grâce » — irruption du temps nouveau. Entre ces deux noms, une étape décisive est franchie.
Jean-Baptiste se tient à la frontière entre l’ancienne Alliance et la nouveauté radicale du Christ. Ses parents appartiennent encore au monde de la Loi, mais en accueillant l’enfant tel que Dieu le donne, ils entrent déjà dans le monde de la Grâce. La grâce n’abolit pas la fidélité de Dieu dans le passé ; elle la porte à son accomplissement.
Dans la spiritualité de l’Enfant de Bethléem, ce passage est fondamental. Dieu ne vient pas d’abord par la force, mais par un enfant. Il ne commence pas par le jugement, mais par la grâce. Avant même que Jésus ne naisse, Dieu annonce son projet : sauver non par contrainte, mais par faveur, par don gratuit, par proximité. Jean ne sera pas la lumière, mais il viendra rendre témoignage à la lumière. Il préparera les chemins, acceptera de s’effacer, dira un jour : « Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue ». La grâce conduit toujours à l’humilité et au don de soi.
À deux jours de Noël, cette Parole nous rejoint avec force. Sommes-nous prêts à accueillir la nouveauté de Dieu, même lorsqu’elle bouscule nos habitudes et nos sécurités ? Acceptons-nous que Dieu nous donne un nom nouveau, une mission nouvelle, une manière nouvelle de vivre l’Évangile ?
Le temps de la grâce est là. Ne le manquons pas. Laissons Jean-Baptiste préparer en nous la place pour Jésus. Ouvrons nos cœurs à ce Dieu qui ne se contente pas de se souvenir, mais qui fait grâce — aujourd’hui encore.
Prière du jour
Dieu de miséricorde,
toi qui fais grâce à ton peuple
et ouvres des chemins nouveaux,
prépare nos cœurs à la venue de ton Fils.
Libère-nous de ce qui nous enferme dans le passé,
apprends-nous à accueillir la nouveauté de ton amour.
Que nos vies deviennent un espace disponible
où ta grâce peut prendre chair.
Amen.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Quand fut accompli le temps où Élisabeth devait enfanter,
elle mit au monde un fils.
Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur
lui avait montré la grandeur de sa miséricorde,
et ils se réjouissaient avec elle.
Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l’enfant.
Ils voulaient l’appeler Zacharie, du nom de son père.
Mais sa mère prit la parole et déclara :
« Non, il s’appellera Jean. »
On lui dit :
« Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! »
On demandait par signes au père
comment il voulait l’appeler.
Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit :
« Jean est son nom. »
Et tout le monde en fut étonné.
À l’instant même, sa bouche s’ouvrit, sa langue se délia :
il parlait et il bénissait Dieu.
La crainte saisit alors tous les gens du voisinage
et, dans toute la région montagneuse de Judée,
on racontait tous ces événements.
Tous ceux qui les apprenaient
les conservaient dans leur cœur et disaient :
« Que sera donc cet enfant ? »
En effet, la main du Seigneur était avec lui.
Références bibliques
- Ml 3, 1-4.23-24
- Lc 1, 57-66
Pour méditer
- Reconnaissons-nous les signes de la grâce déjà à l’œuvre dans nos vies ?
- Acceptons-nous de laisser Dieu nous conduire vers un avenir qu’il ouvre lui-même ?
- Savons-nous nous effacer, comme Jean, pour que le Christ grandisse en nous ?






























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