La Basilique du Latran, “mère et tête de toutes les églises”, n’est pas seulement un monument de Rome, mais un symbole vivant de l’unité de l’Église. En célébrant sa dédicace, nous ne fêtons pas un édifice de pierre, mais la présence de Dieu au milieu de son peuple, cette habitation intérieure que le Christ bâtit en chacun de nous.
Pourquoi célébrer la dédicace du Latran ? Parce que derrière cette fête, il y a une résurrection — celle de l’Église sortie des catacombes. Au début du IVe siècle, après les persécutions de Dioclétien, l’empereur Constantin rend la liberté de culte aux chrétiens. L’Église, encore blessée, sort de la clandestinité. Pour la première fois, la foi chrétienne peut respirer au grand jour.
En signe de gratitude, Constantin ordonne la construction d’une basilique dédiée au Christ Sauveur, destinée à devenir la cathédrale de Rome. C’est là, sur la colline du Latran, que l’unité de l’Église trouve son centre visible : un lieu pour rassembler, prier, et confesser que le Seigneur est vivant.
Depuis, cette basilique — “mère et tête de toutes les églises” — demeure le symbole de la fidélité de Dieu à son peuple. Mais elle n’est pas un simple vestige impérial : elle est le signe d’une Église qui renaît chaque jour, par la foi de ceux qui croient et par la présence du Christ au milieu d’eux.
L’Évangile du jour (Jn 2, 13-22) nous montre Jésus entrant dans le Temple de Jérusalem. Il y trouve le commerce installé au cœur du sanctuaire — là où l’on aurait dû prier, on marchande. Alors, d’un geste prophétique, Jésus renverse les tables et les illusions : « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ce geste rappelle la voix du prophète Jérémie (Jr 7,11) : « Cette maison sur laquelle mon nom est invoqué, est-elle à vos yeux une caverne de bandits ? » Pour Jérémie, il s’agissait de rappeler que Dieu n’est prisonnier d’aucun lieu, d’aucun système, d’aucune institution. La fidélité ne se joue pas dans les murs, mais dans le cœur.
Mais Jésus va plus loin encore. À ceux qui lui demandent un signe, il répond : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs ne comprennent pas : ils pensent au temple de pierre, alors que Jésus parle du sanctuaire de son corps. Le véritable Temple de Dieu, ce n’est plus l’édifice de Jérusalem, mais la personne du Christ : le Fils dans lequel habite toute la plénitude de la divinité, le corps offert sur la croix et relevé au matin de Pâques.
Les lectures de la fête nous font passer du symbole matériel au mystère spirituel. Le prophète Ézéchiel (Ez 47, 1-12) décrit un torrent d’eau jaillissant du Temple, apportant vie et fécondité partout où il passe. Cette eau figure l’Esprit Saint, source qui coule du Christ ressuscité et irrigue toute la création. Elle est l’eau du baptême, qui fait de nous le nouveau Temple où Dieu demeure.
Saint Paul le proclame sans détour : « Vous êtes le temple de Dieu, et l’Esprit de Dieu habite en vous. » (1 Co 3,16) Nous ne célébrons donc pas des pierres anciennes, mais une présence actuelle. La Basilique du Latran, avec sa beauté et sa grandeur, est le signe visible de cette réalité invisible : Dieu bâtit son Église dans nos vies.
Et l’Esprit, chaque jour, continue d’en poser les fondations dans les âmes qui s’ouvrent à Lui.
Dans la spiritualité de l’Enfant de Bethléem, le mystère de cette fête prend une saveur toute particulière. Car le même Dieu qui, au Latran, a voulu un palais pour sa gloire, a choisi à Bethléem une étable pour sa demeure. Celui qui avait le ciel pour trône a préféré le cœur des pauvres pour y reposer. Le véritable sanctuaire de Dieu, c’est le cœur du croyant, purifié par la grâce, illuminé par la foi, habité par l’amour.
La purification du Temple devient alors l’appel à purifier notre propre vie : que tout commerce, toute hypocrisie, tout orgueil soit chassé de nos cœurs,
afin que Dieu y demeure librement, comme dans une crèche ouverte. C’est là le signe le plus fort de cette fête : la gloire de Dieu ne se mesure pas à la richesse des pierres, mais à la beauté d’un cœur qui lui appartient.
En fêtant la Dédicace du Latran, nous célébrons l’Église du Christ, cette humanité appelée à devenir sa demeure. Nos sanctuaires de pierre sont précieux, car ils abritent la Présence réelle, mais le plus beau temple que Dieu désire, c’est notre vie offerte. Puissions-nous devenir, à l’image du Christ et dans l’esprit de Bethléem, des pierres vivantes, unies dans la charité, humbles et lumineuses, pour que l’Église, à travers nous, reste toujours ce signe visible du Dieu invisible qui habite parmi les hommes.
Prière du jour
Seigneur Jésus,
Toi, le Temple vivant du Père,
purifie nos cœurs et fais de nous des demeures de ta présence.
Que l’Esprit Saint coule en nous comme une eau vive,
et qu’il bâtisse ton Église dans la paix et la fidélité.
Apprends-nous à préférer la simplicité de Bethléem
à la gloire passagère des pierres, et fais de nos vies une basilique vivante où rayonne ton amour.
Amen.
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Comme la Pâque juive était proche,
Jésus monta à Jérusalem.
Dans le Temple, il trouva installés
les marchands de bœufs, de brebis et de colombes,
et les changeurs.
Il fit un fouet avec des cordes,
et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ;
il jeta par terre la monnaie des changeurs,
renversa leurs comptoirs,
et dit aux marchands de colombes :
« Enlevez cela d’ici.
Cessez de faire de la maison de mon Père
une maison de commerce. »
Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit :
L’amour de ta maison fera mon tourment.
Des Juifs l’interpellèrent :
« Quel signe peux-tu nous donner
pour agir ainsi ? »
Jésus leur répondit :
« Détruisez ce sanctuaire,
et en trois jours je le relèverai. »
Les Juifs lui répliquèrent :
« Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire,
et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts,
ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ;
ils crurent à l’Écriture
et à la parole que Jésus avait dite.
Pour lire les lectures du jour, consultez AELF – 9 novembre 2025.
Références bibliques
- Ez 47, 1-2.8-9.12
- 1 Co 3, 9c-11.16-17
- Jn 2, 13-22
Pour méditer
- Quelle est la place de Dieu dans le “temple” de ma vie quotidienne ?
- Quels marchands Jésus voudrait-il chasser de mon cœur ?
- Comment puis-je, dans l’esprit de Bethléem, devenir une demeure vivante de Dieu dans le monde ?






























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